En 2025, les SCPI adossées au crowdfunding immobilier traversent une crise sans précédent. Des centaines d’investisseurs individuels attaquent leurs plateformes et sociétés de gestion pour non-respect des engagements contractuels, retards massifs de rendements, voire disparition pure et simple de projets. Le nombre de litiges traités par les juridictions commerciales a doublé par rapport à 2023. Les médiateurs de l’AMF tirent la sonnette d’alarme.
Certaines SCPI dites « opportunistes », souvent très exposées à des projets à fort rendement via des plateformes de financement participatif, concentrent à elles seules plus de 60 % des plaintes recensées cette année. La promesse de taux à 8 % ou plus a laissé place à des pertes sèches, parfois supérieures à 30 %, dans des secteurs immobiliers devenus structurellement illiquides.
Des modèles SCPI hybrides au cœur de la crise
Cette montée des litiges touche surtout les SCPI qui ont fusionné leur modèle traditionnel avec celui du crowdfunding, dans une logique d’optimisation rapide des investissements. Ces structures hybrides, apparues massivement entre 2020 et 2023, proposaient aux investisseurs de cofinancer des actifs en cours de développement ou de rénovation lourde, via des plateformes souvent peu réglementées.
Le problème : beaucoup de ces projets reposaient sur des hypothèses de valorisation trop optimistes. En 2025, la hausse brutale des taux d’intérêt, les tensions géopolitiques, la multiplication des défaillances d’entreprises du BTP et la désaffection pour l’immobilier tertiaire ont rendu ces promesses intenables. Résultat : des projets bloqués, des loyers inexistants, des arbitrages impossibles à réaliser.
Des SCPI liquidées en cascade
Depuis mars 2025, plus d’une dizaine de SCPI à capital variable ont suspendu le versement des dividendes. Trois ont engagé une procédure de liquidation amiable. La SCPI Novimmo Partage, qui avait massivement investi via trois plateformes de crowdfunding aujourd’hui en redressement judiciaire, a annoncé la cession de 70 % de son portefeuille avec une décote de plus de 40 %.
L’impact est sévère pour les porteurs de parts, souvent des épargnants modestes attirés par les discours de désintermédiation et de rendement stable. Les avocats spécialisés en droit immobilier collectif reçoivent désormais plusieurs dizaines de dossiers par semaine. Certains dénoncent des pratiques commerciales trompeuses, voire des conflits d’intérêts entre sociétés de gestion et plateformes partenaires.
L’ombre de la responsabilité pénale
Plusieurs instructions pénales ont été ouvertes au premier semestre 2025. Le parquet financier enquête sur des montages de cofinancement opaque entre des SCPI, des opérateurs de crowdfunding et des foncières ad hoc immatriculées au Luxembourg. Les chefs d’accusation portent sur abus de confiance, escroquerie en bande organisée et blanchiment aggravé.
L’AMF, qui n’a pas le pouvoir de contrôle direct sur les plateformes de crowdfunding, appelle à une réforme urgente du cadre réglementaire. L’ACPR étudie la possibilité de soumettre certains montages SCPI-crowdfunding à une autorisation préalable. Le régulateur craint une perte de confiance généralisée dans les produits d’épargne immobilière non cotés.
Scénario noir en cas de panique généralisée
Si les retraits massifs se poursuivent, certaines SCPI pourraient se retrouver techniquement insolvables. Le marché secondaire, déjà très ralenti, ne permet plus d’absorber les ordres de vente. La suspension du retrait partiel a été mise en œuvre chez huit gestionnaires depuis avril. L’effet domino menace.
Le crowdfunding immobilier en perte de légitimité
La promesse de réinventer l’investissement immobilier grâce au numérique s’effondre en partie. En 2025, le modèle du crowdfunding peine à démontrer sa résilience en période de stress systémique. L’absence de garanties, la mauvaise sélection des projets et la dilution des responsabilités génèrent une méfiance croissante des investisseurs.
Voir aussi: Le virage stratégique du crowdfunding immobilier en Europe
Certaines plateformes, comme Homunity Projets ou Fundimmo Alpha, ont déjà cessé d’accepter de nouveaux dossiers. D’autres, plus fragiles, pourraient faire faillite dans les mois à venir. Une enquête parlementaire est en cours pour évaluer l’ampleur du phénomène.
Une régulation d’urgence en préparation
Face à la situation, Bercy a annoncé un plan de réforme accéléré du statut des SCPI hybrides. Objectif : imposer une transparence totale sur les flux entre SCPI et plateformes, interdire les rétrocommissions croisées, encadrer les projections de rendement et renforcer les obligations de reporting.
Un système de garantie partielle pour les investisseurs particuliers est également à l’étude, sur le modèle du FGDR bancaire. Mais il ne serait pas rétroactif. Pour les épargnants déjà lésés, seule la voie judiciaire reste ouverte.
Conclusion incertaine pour les investisseurs SCPI
2025 marque un tournant pour les SCPI couplées au crowdfunding. Le rêve de rendement élevé et désintermédié tourne au cauchemar pour des milliers de particuliers. Le choc de confiance pourrait avoir des effets durables sur l’ensemble de l’investissement immobilier collectif.